10 décembre 2006

Qui veut donner des millions ?

Y'en a marre de la solidarité chrétienne via la grand messe cathodique ! Assez de devoir expier nos péchers d'homme libre en versant notre obole à des organisations de patronage transformées en usines à fric ! C'est que ça rapporte le charity business et les téloches (TF1 et France Télevisions en tête de gondole) l'ont bien compris en réservant des émissions spéciales entrecoupées de juteuses pages de pub qui font du bien à leurs portefeuilles.

Ce mois de décembre marque le début des festivités audiovisuelles de la bonne conscience :
Restos du Coeur (à votre bon coeur, messieurs-dames), Téléthon (traduire "Télédon"), Sidaction (des médocs pour les malades occidentaux, des discours de compassion pour les ch'tits africains), sans oublier, même si c'est du passé, la "déferlante vague" de générosité charrié par le tsunami (des sous mon ami)... Et pour ne pas que tout cela sente trop le renfermé, des manifestations sont organisées partout en France destinées à récolter des millions d'euros avec comme sempiternel objectif de battre le record de (promesses de) dons de l'année passée (comme s'il y avait une prime au bout).

Comme le chantait Enrico Mac(h)ias(se): "Donnez, donnez, donnez !"

Ces opérations sont vraiment des attrape-gogos où on ne tarit pas d'éloge "la générosité des Français" pour mieux les amener à verser leur écot. Et pour attendrir le bon populo, on n'hésite pas à lui montrer, sans voyeurisme bien sûr, quelques gamins cloués sur leur fauteuil roulant pleurant leur joie d'être pris en considération par les nouveaux télévangélistes. Sortez vos mouchoirs, c'est pour la bonne cause.

Le pire, c'est que ce sont souvent les classes populaires qui donnent le plus. Et si on ne prête qu'aux riches, on vole, à n'en pas douter, les pauvres.

Mais les riches ont quand même tout intérêt à faire eux aussi un joli chèque car c'est déductible de leurs impôts. Quand l'Etat encourage la privatisation de la solidarité publique à travers le coup de pouce fiscal !

Ce qui devrait légitimement pousser à refuser ce genre de racollage, c'est cet abandon de l'Etat(-providence) à ses devoirs. Solidarité envers les déshérités (les Restos du Coeur lancés par Coluche il y a plus de 20 ans devaient être provisoires...). Financement de la recherche publique pour les maladies rares (si y'a pas de labos pharmaceutiques associés, on peut toujours attendre) ou pour des traitements sans effets secondaires (la tri-thérapie est un véritable calvaire pour les malades du Sida qui en meurent plus rapidement que s'ils ne prenaient rien). Si l'Etat réduit son aide aux pauvres, aux exclus, aux malades, aux plus fragiles, à quoi servent nos impôts ?

Ayant récemment assisté à une conférence du Medef girondin (attention, hein, je n'en suis pas, loin s'en faut, même très très très loin) intitulée "
Objectif confiance" (soi-disant pour faire pendant aux déclinologues), les patrons s'étonnaient des résultats d'un sondage qui indiquait que plus d'un Français sur deux déclarait avoir peur de se retrouver un jour SDF. Ce résultat les a certes interpelés mais pas au point de se demander si le modèle social-libéral dans lequel UMP et PS se complaisent n'en était pas la cause un peu quand même. Faute de pouvoir donner une quelconque explication à ce malaise, l'un d'entre eux (un ponte du Medef national) a préféré remettre en cause le bien-fondé de ce sondage et à douter d'une information de l'INSEE selon laquelle il y aurait 17 millions de pauvres en France (c'est-à-dire gagnant moins de 800 euros nets par mois).

Au Medef donc, tout va bien (c'est la méthode Coué) et ceux qui disent le contraire sont des empêcheurs de croissance forte (ah, la croissance...). Alors, à quand une grande opération de charité du patronat pour éradiquer le chômage ? Faut pas rêver. S'il y a plus de pauvres, il y a aussi plus de riches qui s'enrichissent et au Medef, on a choisi son camp. Donner oui mais c'est le salarié (dans les entreprises, on préfère le terme intégrateur de "collaborateur" pour effacer toute idée de lien de subordination) qui donne d'abord, de son temps (va falloir travailler plus et plus longtemps), de son énergie (pas de place pour les souffreteux ou les femmes qui veulent aussi s'occuper de leurs gosses), de son argent même (les déplacements domicile/travail coûtent de plus en plus cher pour le banlieusard ou le périurbain qui n'a d'autre choix que la voiture pour venir justifier son salaire).

Alors quand vous aurez fini de donner à votre patron, il vous versera votre rémunération (ne lui dites pas merci, il pourrait trouver que c'est parce qu'il vous donne trop). Après avoir dépensé cette richesse dans les temples de la consommation où les grenouilles de bénitiers de l'Etat auront sans douleur prélevé leur dîme (TVA), vous pourrez à loisir vider votre porte-monnaie à la caisse Télécon pendant que les moins chanceux mais pas assez courageux (ou pas résignés) pour aller faire la manche dans la rue attendront avec impatience le résultat de votre générosité dont ils pourront profiter en mangeant une soupe bien chaude aux Restos du Coeur.

La messe est dite et l'Eglise n'a qu'à bien se tenir car elle a une sacrée concurrence dans le marketing du misérabilisme.

A votre bon coeur ? Moi, ça m'écoeure.